La vie fraternelle, comme base du dialogue chrétiens et musulmans

Donner visibilité à ce que font ensemble, chrétiens et musulmans, pour faire naître l’espoir dans un monde divisé et marqué par la peur ou la méconnaissance de l’autre. Tel était le but de la rencontre organisée par les Focolari, à Castel Gandolfo (Rome), du 19 au 22 avril 2018, intitulée « Ensemble, donnons l’Espérance, chrétiens et musulmans en chemin », qui a rassemblé 400 personnes, de 23 pays, dont une quinzaine de français.

Avec reconnaissance pour les pionniers du dialogue interreligieux développé au sein des Focolari qui ont ouvert un chemin prophétique et conscients que les dons de Dieu peuvent être toujours actuels, les participants se sont enrichis de leur diversité et se sont sentis renforcés dans l’espérance.

Fr. Hubert-Marie, délégué diocésain pour les relations avec les musulmans du diocèse de Fréjus-Toulon, qui a participé à cette rencontre pour la première fois, nous livre son témoignage.

« Me voici accueilli au congrès « Charisme de l’unité : chrétiens et musulmans en chemin » des Focolari, près de Rome, où se rassemblent 400 personnes, jeunes et moins jeunes, venant du monde entier, attirés par quelque chose de presque mystérieux… et la joie de retrouver des amis, ou plutôt leur grande famille spirituelle.

Depuis quatre ans, je travaille dans le sud de la France, comme délégué diocésain pour les relations avec les musulmans. Le contexte historique, politique et « identitaire catholique », rend les relations entre musulmans et chrétiens difficiles. La confiance est longue à gagner et demande un investissement important pour être maintenue. Les amitiés sont belles mais rares.

La confiance réciproque, générale, entre les uns et les autres est donc la première qualité qui m’a le plus impressionnée à ce congrès des Focolari. Non pas une confiance basée sur l’enthousiasme de nouvelles relations qui pourraient n’être qu’éphémères, mais sur des amitiés déjà anciennes et éprouvées par le temps. Pas non plus une confiance un peu naïve ou fondée sur un certain relativisme. Mais appuyée sur une doctrine sûre et un respect, une admiration même, devant le témoignage de foi des autres.

La question me venait à l’esprit, presque intrigué… : d’où peut donc venir cette confiance, qui engendre une telle joie ? Elle se ressource sur un charisme bien vivant, celui de Chiara Lubich : l’idéal de l’unité, auquel Chiara a associé elle-même l’Imam Wallace Deen Mohammed qui fut leader de l’American Muslim Society des Etats-Unis et le « vent » de Tlemcen en Algérie, avec Ulysse, un focolarino et ses frères. Mais concrètement, derrière ce charisme, il y a la certitude partagée par tous que Dieu est Amour, qu’Il est là, par nos liens fraternels, et veut cette unité. Et, comme enveloppant ce charisme, il y avait l’évidence que personne n’est là pour convertir l’autre, mais plutôt pour découvrir et admirer quelque chose de sa foi.

« C’est l’Amour radical entre nous qui nous permet d’être un en Dieu ». Cette parole de Chiara Lubich, tout en montrant bien le don des paroles qu’elle avait, sous le souffle de l’Esprit-Saint, résume le ciment qui fait de nous « pont » entre croyants.

D’autres clés de la réussite du congrès : la qualité des interventions, l’équilibre du programme alternant temps fraternels, enseignements et témoignages, et la justesse des prises de paroles, toujours à deux – musulmans et chrétiens -, même si c’était presque toujours sans le dire. Car c’est d’abord la foi et la fraternité qui nous liaient, au-delà de nos religions différentes. Mais le plus judicieux, et ce fût pour moi une découverte qu’un des participants algériens m’a clairement aidé à saisir, est que ce qui est premier, – et permet le reste -, c’est l’expérience fraternelle. Après cette expérience, on en comprend le sens, les fondements théologiques, etc. La base de ce dialogue est donc de vivre ensemble, en humanité, croyante ou non-croyante parfois.

Certes, on a peu abordé les problèmes majeurs du fondamentalisme, en particulier salafiste, ou l’impasse du laïcisme. Mais la réussite de ce congrès, – car chacun est reparti rempli d’espérance et de clés pour promouvoir ce dialogue là où il vit-, ne montre-t-elle pas que ce n’est pas en se focalisant sur les problèmes – même s’il faut les dénoncer-, qu’on va les résoudre ? C’est d’abord en faisant contrepoids. Les thèmes de vie ont été privilégiés : l’unité et la spiritualité, la souffrance, les médias, la famille, le mariage, Marie, l’espérance, l’immigration, l’écologie. Et surtout un nombre impressionnant de témoignages d’expériences dans plus d’une douzaine de pays différents.

On a osé parler d’un moment de « paradis », rappelant les paroles de l’imam W.D. Mohamed « Tu n’iras pas au paradis si tu n’y vas pas déjà sur terre (…) La clé pour entrer au paradis, c’est l’amour. J’y trouverais des juifs, des chrétiens, des musulmans… ». C’était une conclusion providentielle du congrès, qui me rappelait celle de Saint Jean-Paul II concluant les premières rencontres d’Assise, le 27 octobre 86. Il disait, au terme de la journée de prière, de jeûne et de pèlerinage pour la paix : « Voyons-en ceci une anticipation de ce que Dieu voudrait voir se réaliser dans l’histoire de l’humanité : un cheminement fraternel dans lequel nous nous accompagnons mutuellement vers un objectif transcendant qu’Il prépare pour nous ».

Bien sûr, parler de « paradis » est une métaphore, car nous n’étions pas coupés du monde où tant de guerres causent de terribles souffrances. Et le but de ce Congrès est la paix. Mais on a besoin de tels moments pour y croire et y travailler efficacement là où nous sommes envoyés. »

Vous pouvez visionner un reportage sur le congrès sur le lien suivant : https://vimeo.com/267379987